VNF a publié un bilan 2023 contrasté pour le trafic fluvial sur le bassin rhénan : si la croisière reprend des couleurs, l’activité fret se trouve affaiblie par les crises mondiales, avec néanmoins quelques activités en progression comme les colis lourds ou la logistique urbaine.
« Un record d’activité » : dans le bilan 2023 du trafic fluvial sur le bassin rhénan qu’il a publié le 13 mars, Voies navigables de France (VNF) se félicite d’un « retour aux niveaux d’avant crise du Covid 19 » pour le tourisme fluvial. Mais la situation du fret sur le Rhin apparaît plus contrastée, certaines filières ayant subi les effets des crises mondiales : sur le Rhin supérieur (où le trafic, de 14,6 millions de tonnes soit 60 bateaux/jour, a par ailleurs été gêné par une hydraulicité perturbée), la guerre russo-ukrainienne a particulièrement affecté les échanges de produits métallurgiques, en chute de 20 % sur le bassin.
La filière céréalière, quant à elle, voit la demande mondiale baisser de 17 % du fait d’une lenteur de la reprise économique en Chine et aux États-Unis et d’une diminution globale des cheptels. « Cette diminution due à la conjonction de plusieurs crises internationales intervient pourtant après une année à + 2 % sur le bassin », regrette Jean-Laurent Kistler, chef du service développement de la direction territoriale de Strasbourg de VNF.
Autre activité à la peine, celle du conteneur. Touchée par le ralentissement des échanges avec les pays exportateurs, celle-ci connaît une diminution de 26 % par rapport à 2022. « Les tensions en mer Rouge (où transitent 75 % des exportations européennes) ont contraint les armateurs à privilégier la route maritime du Cap de Bonne-Espérance, engendrant d’importants surcoûts et un allongement des délais », explique-t-on à VNF. L’activité conteneurs des ports en subit le contre-coup : - 65 % pour celui de Mulhouse (aussi du fait de mouvements sociaux) et - 22 % pour celui de Strasbourg.
Quelques belles progressions
Dans l’ensemble, le port de Mulhouse enregistre lui une baisse de 13 % de ses tonnages, « à cause de la conjoncture internationale, explique Jean-Laurent Kistler, mais aussi d’une interruption d’activité de deux industriels utilisateurs, pour maintenance de leur outil de production. Ce n’est donc que temporaire ». Quant au port de Colmar Neuf-Brisach, il connaît une progression de 9 % grâce à sa spécialisation dans les colis lourds avec l’investissement dans une nouvelle grue de manutention (voir notre article de novembre 2023). Ce trafic y a ainsi cru de 67 % en 2023, atteignant 464 000 t.
Tous les acteurs du conteneur ne sont d’ailleurs pas moroses : Guy Erat, directeur de Danser France, se félicite ainsi d’une « plutôt bonne année », portée notamment par des clients industriels, ainsi que par le transport de grumes de bois en conteneurs. « Ces volumes augmentent du fait des coupes massives liées aux sécheresses successives », explique-t-il.
Également dynamiques, deux filières majeures pour le fret fluvial affichent une progression sur le bassin rhénan : aux écluses de Gambsheim, celle des produits pétroliers enregistre + 13 % et celle du BTP (matériaux de construction) + 10 %. « Il s’agit de trafics spécifiques vers l’Allemagne, qui ne sont pas soumis aux effets de la crise russo-ukrainienne », commente Jean-Laurent Kistler.
La dynamique de la logistique urbaine, enfin, est à l’image de ce qu’elle est à l’échelle nationale. Le fret fluvial pour le BTP est ainsi porté par une « fluvialisation » croissante des chantiers urbains. La construction du nouveau quartier Archipel, à Strasbourg, a générée à elle seule le transport 4 500 tonnes de matériaux, agrégats et autres tuyaux sur le canal de la Marne au Rhin. Ce report modal de la route vers le fluvial va se poursuivre pour le quartier Citadelle.
Perspectives 2024 et investissements sur le réseau fluvial
Même tendance pour la distribution urbaine de marchandises : intervenant depuis 2020 sur l’Ill, à Strasbourg, la société Urban Logistic Solutions (ULS) a enregistré en 2023 plus de 452 voyages, soit deux allers-retours par jour ouvré. VNF se réjouit qu’elle se soit implantée aussi cette année à Mulhouse, pour une rotation quotidienne par bateau, soit 3 à 10 tonnes par jour de tous types de marchandises.
Pour accompagner ces tendances, VNF a investi, dans la modernisation des infrastructures fluviales, 23 millions d’euros en 2022 puis en 2023 et prévoit 22 M€ en 2024. Le fret bénéficiera particulièrement de la régénération des écluses de Gambsheim dont les travaux ont commencé en 2022 et devraient durer jusqu’en 2026,. Un chantier de 38 M€ qui « va servir la fluidité et le développement du trafic », assure Jean-Laurent Kistler. Plus modeste (5,53 M€), celui de la rénovation du Centre d’alerte rhénan et d’information nautique de Gambsheim (Caring) n’en est pas moins important : celui-ci est « la tour de contrôle de tout le réseau » de l’unité territoriale VNF, qui y installera d’ailleurs son siège. La première pierre a été posée le 18 mars 2024.