De nouvelles stations pour les camions roulant au gaz ou à l’électricité

Pour l’approvisionnement en gaz ou la recharge des batteries des camions utilisant le GNC ou l’électricité, de nouvelles stations multi-énergies voient le jour en Grand Est. Transporteurs, logisticiens et collectivités s’impliquent dans ce déploiement, comme on l’a vu lors du colloque sur le verdissement des transports récemment organisé par l’ORT&L.

Alors que les stations services traditionnelles proposent de plus en plus souvent la recharge électrique, les nouvelles stations multi-énergies ne fournissent pas forcément du gazole aux camions. Ainsi, celle inaugurée le 27 mars à Strasbourg par Proviridis est uniquement spécialisée dans le gaz et l’électricité.

GNC, électricité et hydrogène à Strasbourg

Cette station du réseau V-Gas a été mise en place en partenariat entre Proviridis et R-GDS, la société d’économie mixte de la ville de Strasbourg pour la distribution de gaz naturel, qui se fait désormais connaître sous le nom d’Aster Énergies. Située rue de la Plaine des Bouchers, à proximité de la N4 et de l’autoroute M35, elle remplace une précédente station plus petite, installée à proximité (rue du Doubs), qui a été fermée.

La différence est que la station de la rue du Doubs, créée à l’origine par Énerest (Gaz de Strasbourg), puis intégrée au réseau V-Gas en septembre 2023, ne distribuait que du gaz naturel compressé (GNC). La nouvelle station de la rue de la Plaine des Bouchers, outre ses 4 points de distribution de GNC et de bioGNC, peut aussi alimenter les poids lourds électriques avec une recharge très rapide à 300 kW. Elle est, en outre, mitoyenne de la station de distribution d’hydrogène mise en place par R-GDS depuis le printemps 2024 pour fournir aux véhicules équipés de pile à combustible de l’hydrogène à 350 ou 700 bars.

Près de Toul, un projet réorienté vers l’électricité et le HVO…

Proposer sur un même site différentes énergies est aussi l’objectif de la communauté de communes Terres touloises avec le projet qui s’implante à Gondreville, entre Toul et Nancy. La station multi-énergies devait entrer en service en 2022 le long de l’autoroute A31, à proximité de la zone d’activités Gondreville-Fontenoy. L’idée était de proposer dans un premier temps du GNC, voire du bioGNC produit par des méthaniseurs voisins, puis dans un second temps de l’hydrogène décarboné.

Le dossier, malgré du retard, semble enfin avancer avec la préparation des travaux lancée début 2025 pour le compte d’Altens, futur exploitant de la station, qui confirme ainsi son intérêt pour la recharge électrique des poids lourds alors que l’énergéticien était auparavant davantage connu pour la distribution de biocarburants. L’offre a, en effet, évolué pour s’adapter à la tendance à l’entrée en flotte de poids lourds électriques. La station devrait ainsi proposer du HVO et du GNC, mais aussi de l’électricité verte avec une puissance de 250 kW.

…et  une station de recharge électrique inaugurée par Milence

Toujours à Gondreville, une station électrique a été inaugurée le 24 avril. Quatre postes de chargement fournissant chacun 400 kW sont ainsi proposés sur ce site, implanté sur la D400, qui longe l’autoroute A31. Cette station est exploitée par Milence, société néerlandaise créée en 2022 par trois fabricants de poids-lourds : Volvo, Daimler Truck et Traton, filiale du groupe Volkswagen qui regroupe notamment les marques MAN et Scania. Avec pour unique activité la création et l’exploitation de recharges de poids-lourds électriques, Milence a inauguré sa première station en 2023 et en exploite aujourd’hui 18 à travers l’Europe, dont 7 en France, y compris deux en Grand Est : celle de Gondreville et celle de Reims.

Voir les supports des interventions faites par :
la Communauté de communes Terres touloises
Milence et Renault Trucks

lors de la journée d’échanges sur la décarbonation des transports
organisée par l’ORT&L Grand Est le 11 mars 2025

Des « relais de poste » électriques dans la Marne

Une autre station de recharge électrique pour poids lourds a vu le jour récemment en Grand Est : celle de Sommesous dans la Marne, à l’intersection de l’A26 et de la RN4. Engie a inauguré le 25 avril cette station, dont a pré-ouverture avait eu lieu le 5 février dernier. Le schéma est différent puisqu’il s’agit de proposer de l’électricité pour recharger des poids lourds, dans le cadre du partenariat European Clean Transport Network (ECTN), qui regroupe le logisticien Ceva, l’énergéticien Engie et l’exploitant d’autoroutes Sanef.

Lancé en 2023, ce projet consiste à établir des relais sur l’axe Lille-Avignon afin d’y transporter des semi-remorques, avec la recharge à chaque étape des tracteurs routiers électriques. Des sortes de « relais de postes » d’un genre nouveau, où, à chaque point de recharge, « les remorques sont décrochées puis raccrochées au camion tracteur du segment suivant ». La station de Sommesous propose aussi du GNC, puisque cet axe routier Lille-Avignon décarboné doit voir cohabiter des camions électriques et des camions fonctionnant au biogaz.

Des difficultés à surmonter

Le sujet des stations de recharge de véhicules électriques ou d’approvisionnement en carburants alternatifs a été abordé au cours de la journée d’échanges sur le verdissement des transports organisé le 11 mars dernier par l’ORT&L Grand Est à Pont-à-Mousson. Cet enjeu est fréquemment revenu lors des inventions en plénière et il en a été encore plus particulièrement question dans l’un des 4 ateliers d’échanges de l’après-midi intitulé « Trouver et mobiliser des partenaires et des aides pour construire et mettre en œuvre un projet de décarbonation des véhicules de ma flotte ou de mon territoire ».

Parmi les difficultés à surmonter pour la mise en place de stations multi-énergies, la première, et non des moindres, est le coût de l’investissement. Au coût d’acquisition des véhicules électriques, hydrogène ou GNV, bien supérieurs à ceux des motorisations diesel, s’ajoutent des coûts d’entretien spécifiques et ceux de la mise en place des infrastructures nécessaires (bornes de recharge, stations d’avitaillement, ateliers adaptés). Pour de nombreuses entreprises, en particulier les PME, ces surcoûts sont difficilement absorbables sans un accompagnement renforcé.

Ont aussi été cités comme obstacles la puissance électrique disponible sur le réseau dans la zone d’implantation d’une station de recharge, les besoins de foncier et de terrains bien situés ou encore les délais d’installation.

L’utilité d’un accompagnement collectif par les collectivités

Des pistes ont aussi été mises en avant pour faire avancer ces dossiers. Parmi celles-ci : le rôle des collectivités dans la mise en place d’incitations locales, que ce soit à travers la planification urbaine, l’aménagement des zones de recharge ou l’accompagnement des entreprises implantées sur leur territoire.

Mutualisations et multi-énergies

La diversification des sources d’énergie et l’adaptation progressive des flottes, qui semble bien prise en compte dans les exemples récents de stations multi-énergies évoquées plus tôt, a aussi été mise en avant par les participants au colloque, de même que la mise en place de projets pilotes avant retour d’expérience et généralisation à une échelle régionale.

Les solutions de partage d’équipements et de mutualisation sont également plébiscitées, avec par exemple des stations de recharge communes pour les petites entreprises n’ayant pas la capacité d’investir seules. L’émergence de hubs logistiques multi-énergies, combinant recharge électrique, bioGNV et hydrogène, a aussi été évoquée comme une piste à explorer pour faciliter l’accès aux différentes solutions. La combinaison de plusieurs sources d’énergies alternatives pour maximiser l’efficacité permet en effet de ne pas se laisser enfermer dans des choix techniques qui ne constitueraient pas des solutions à long terme.

 

Dessins : © Cindy Remy
Photos : © FNTR, TLF, ORT&L Grand Est